Les vieux qui ont vécu la guerre ont une longueur d’avance

Confinement - Panthier Les vieux qui ont vécu la guerre ont une longueur d'avance

Moi, ce confinement, je l’ai pris comme une demande de la nature et de la vie. La nature nous demandait de rester chez nous. De ne plus intervenir sur ses plate-bandes, de ne plus l’embêter. C’était l’occasion pour les oiseaux de reprendre l’air et de retrouver leur voix initiale. Les chèvres du Pays de Galles, elles, redescendaient en ville et se mettaient de manger les rosiers des jardiniers gallois donc. Ainsi, on pouvait voir s’étendre les pâquerettes et discuter avec les primevères dans un langage invisible. Voilà, moi ce que j’avais compris de ce confinement.

La vie, elle, me demandait de trouver dans mon appartement un terrain d’exploration. J’ai eu l’idée de prendre en photo des coins que je ne regardais plus. Des coins délaissés de la maison ou des objets auxquels je ne prêtais plus d’attention. Comme si, je partais en voyage dans cet appartement et que je devais rapporter des témoignages de ce qui m’était étranger. La vie en me confinant me demandait aussi de faire des déplacements intérieurs. D’entreprendre des voyages dans ma mémoire, dans celles de mes parents… Et là, je me suis rendue compte que d’une façon, j’aimais depuis longtemps ce travail de mémoire. J’aimais faire des grands écarts temporels. Et penser que parce ma grand-mère allait à l’opéra, au paradis, dans les années 20 en Italie, alors je connaissais l’odeur des tentures rouges et du bois chaud des salles des théâtres italiens.

A mesure que le confinement passait, j’écoutais la voix de ma mère pour savoir comment elle allait. Alors que mes tempêtes intérieures me déchiraient, j’entendais et écoutais la légèreté de son ton. Elle était joyeuse, pleine d’entrain. J’étais si heureusement surprise, si bellement surprise… Elle, qui parfois, a des accès de tristesse et de mélancolie très profonds, était loin de ces moments gris et sans espoirs que je pouvais vivre. Sans le savoir, elle me donnait une leçon. Elle m’avait même glisser deux fois des « tu me manques beaucoup », qu’elle ne me disait plus depuis longtemps. Les vieux qui ont vécu la guerre ont une longueur d’avance… quelle leçon.